3/14/2010

Les Jeux olympiques de Vancouver 2010 et les danses des nations autochtones

Les Jeux olympiques de 2010 ont été une réussite, comme ceux qui lui ont précédé, celui-ci à suscité l’attention de la quasi-totalité de la population mondiale. Je regardais la télévision il y a quelques semaines et j’ai entendu par hasard un invité dans une émission qui a eu des propos particulièrement intéressants pour décrire ce genre d’événement. J’espère ne pas trop les déformer en les reportant ici, car ce sont ceux sortis directement de la bouche de Grégory Charles; ce dernier affirmait que les Jeux olympiques, lors de leur tenu, engendrent presque inévitablement un moment historique pour l’humanité, lui confinant ainsi un aspect sacré. En effet, rares sont ceux qui ne veulent pas assister en direct à l’écriture d’une page de l’histoire. De plus, ces jeux et ses médailles représentent une occasion en or pour les pays de se démarquer sur le plan international.

Pour ce billet, j’aimerais attirer votre attention non pas sur la performance des pays et leurs athlètes prenant part aux épreuves, mais plutôt sur leur pays hôte, le Canada. Je veux sortir de la brume un élément presque invisible qui survolait la BC Place Stadium durant les cérémonies d’ouverture. Si vous avez comme moi et plusieurs autres milliards de téléspectateurs regardé la cérémonie d’ouverture, cet élément était présent lorsque : « des dizaines de représentants des nations autochtones canadiennes [ont] dansés pendant plus d'une heure sur la scène pour accueillir les 82 délégations », pour citer les informations présentes dans le site Web officiel des Jeux olympiques.

Cérémonie d'Ouverture Vancouver 2010, Amérindiens

Cet élément qui a pris son envol au moment de ces danses en puisant son énergie dans le bagage historique particulier que possèdent ces dernières, un passé qui soulève plusieurs questionnements pour celui qui le connait. Si une représentation concrète pouvait être attribuée à cet élément, ce serait un avion volant dans le ciel avec une bannière accrochée à l’arrière sur laquelle nous pourrions lire : « Ces danses ont déjà été proscrites par le gouvernement du Canada et elles sont maintenant mises dans l’avant-plan sur la scène internationale par ce dernier. »

Pour avoir réussi à percevoir cet élément, je me suis basé sur un nouveau livre de Constance Backhouse intitulé De la couleur des lois : une histoire juridique du racisme au Canada entre 1900 et 1950 qui vient tout juste d’être publié par les Presses de l’Université d’Ottawa (le papier est encore chaud). Oui, avec ce livre, on ne peut plus se le cacher, le Canada à des squelettes dans le placard de son histoire juridique. L’un d’entre eux, celui que je mets en lumière dans ce billet, est rapporté dans le troisième chapitre dont le titre, assez évocateur, s’intitule « Des sauvages ornés de plumes bariolées » : la criminalisation des danses autochtones – le procès de Wanduta au Manitoba en 1903.

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L’idée d’inviter les autochtones à danser dans une cérémonie n’est pas née lors des derniers Jeux olympiques. Effectivement, durant des foires organisées dans le début des années 1900, un phénomène similaire à celui de Vancouver 2010 pouvait être observé dans les prairies canadiennes : « Une dizaine de danseurs de la nation Dakota, revêtus de leur costume traditionnel, se livraient chaque année à une danse autochtone au son des tambours devant une foule de spectateurs subjugués. » Ces danses généraient des revenus aux hommes d’affaires qui les partageaient par la suite avec les autochtones.

Puis un jour, l’insoupçonnable se produisit, ces danses firent l’objet de poursuites criminelles. Ces poursuites étaient fondées, selon l’ouvrage De la couleur des lois de Constance Backhouse, sur l’existence de lois précédemment créées par le gouvernement fédéral : « En 1884, le gouvernement canadien commença par adopter des lois criminelles ayant pour effet d’interdire les danses cérémoniales des Premières Nations […] En 1895, cette interdiction fut étendue à tous les festivals, danses et cérémonies qui comprenaient un échange d’argent ou de produits ou, encore, qui impliquaient des blessures infligées à des êtres humains ou des animaux. »

Il faut croire que les temps ont changé. Ces Jeux olympiques de 2010 auront été, sous l’aspect mis en lumière dans ce billet, un véritable coup de maître pour montrer une image du Canada entretenant une relation saine avec les nations autochtones et ce, en misant sur la danse, une pratique qui dans le passé était parsemée de litiges. Il faut se garder à l’esprit que ces dernières danses devaient probablement être plus civilisées que celles pratiquées autrefois.

Plusieurs autres situations semblables sont recensées dans l’ouvrage De la Couleur des lois : Une histoire juridique du racisme au Canada entre 1900 et 1900. Pour en apprendre davantage, visitez le site Web des Presses de l’Université d’Ottawa.

*La majorité des citations dans ce billet sont tirées de notre ouvrage De la Couleur des lois : Une histoire juridique du racisme au Canada entre 1900 et 1900

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